Récupération artistique après la Seconde guerre mondiale (M.N.R.)

Le musée des Beaux-Arts de Reims a reçu en dépôt de l’État, entre 1951 et 1953, sept MNR (Musées Nationaux Récupération).
Récupération artistique après la Seconde guerre mondiale ({{M.N.R.}})

Pendant l’occupation allemande, on estime généralement à 100 000 le nombre d’œuvres et objets d’art qui ont été spoliés principalement à des familles juives visées par les lois raciales (vols, pillages, confiscation par le régime de Vichy, ventes forcées par les circonstances, etc.). Après la guerre, plus de 60 000 œuvres environ retrouvées en Allemagne ont été renvoyées en France ; la Commission de Récupération artistique mise en place en 1945 en restitua près de 45 000 jusqu’en 1949. 13 000 œuvres environ considérées comme non restituables furent vendues par l’administration des Domaines. Le reliquat d’environ 2 000 œuvres fut mis en dépôt dans les musées nationaux ou musées de région dans l’attente d’une restitution lorsque l’œuvre a été spoliée.

Il s’agit des MNR (Musées Nationaux Récupération) dont le catalogue est disponible en ligne sur la base Rose Valland du ministère de la Culture.

En cas de spoliation, ces œuvres doivent être restituées aux propriétaires dépossédés ou à leurs ayants droit.
Sur le plan juridique, défini par le décret du 30 septembre 1949, ces œuvres n’appartiennent pas à l’État qui n’en est que détenteur provisoire. Elles ne font donc pas partie des collections publiques des musées de France. Elles sont inscrites sur des inventaires particuliers et attendent une restitution éventuelle lorsqu’elles ont été spoliées ; aucune date de prescription n’a été fixée.
Leur gestion a été confiée à la direction des Musées Nationaux, actuelle Direction Générale des Patrimoines du ministère de la Culture, Service des musées de France, pour leur présentation au public et la diffusion des informations les concernant. La Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 du ministère de la Culture coordonne les travaux de recherche de provenance relatifs à ces œuvres.

Le musée des Beaux-Arts de Reims a reçu en dépôt de l’État, entre 1951 et 1953, sept MNR.

Liste des oeuvres

François Boucher

Paris, 1703 - 1770
L’Odalisque, 1743
Huile sur toile, 53 x 65,2 cm
Dépôt, Paris, musée du Louvre (œuvre récupérée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, déposée le 3 juillet 1951 par le musée du Louvre. Provenance non établie. En cas de spoliation, l’œuvre sera restituée à ses légitimes propriétaires). M.N.R. 61

L’Odalisque, François Boucher

Historique

Le tableau est peut-être présenté à la "Vente P.", à Paris, le 25 mai 1784, sous le n° 26 (Une femme couchée, identification non certaine), puis à la "Vente R.", à Paris, les 13-14 décembre 1858, sous le n° 6 (identification non certaine).
Il se trouve dans le commerce parisien durant la guerre de 1939-1940 (Ananoff, 1976). M. Nicolle de Paris le vend 1 200 000 F à M. Haberstock en 1943 ; le tableau est revendu 74 500 RM en mars 1943 au musée de Linz. Il est enregistré au Central Collecting Point de Munich sous le n° 4337.
François Boucher a connu une brillante carrière. Favori de la marquise de Pompadour, directeur de l’Académie royale de peinture et de sculpture en 1737, il devient premier peintre de Louis XV en 1765.

Description

Cette oeuvre a été entourée de scandale. Une femme, de dos, à moitié nue est allongée sur le ventre, chemise relevée. Elle tourne la tête vers nous : sa position est engageante, ses fesses correspondant au centre du tableau. La composition, malgré l’apparent désordre, théâtralise la scène : toutes les lignes de force – les plis des drapés, le corps, les jambes et les fesses – nous invitent à nous glisser dans cet instant d’attente, invitation licencieuse ou vision d’un moment intime ?


Philippe de Champaigne

Bruxelles, 1602 - Paris, 1674
Les Enfants Habert de Montmor dit aussi Portrait des enfants Montmor, 1649
Huile sur toile, 122,9 x 186,2 cm
Dépôt, Paris, musée du Louvre (œuvre récupérée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, déposée le 19 juin 1952 par le musée du Louvre. Provenance établie ; œuvre non spoliée). M.N.R. 591

Les Enfants Habert de Montmor, Philippe de Champaigne

Historique

Le tableau est dans la collection du marquis de Valori, prince Rusticelli, en 1874, puis dans la collection du marquis de Beausset-Roquefort en 1928 (orthographié ainsi dans le catalogue de l’exposition galerie Charpentier). Selon un document des archives des Affaires étrangères, l’oeuvre aurait figuré à une vente à l’hôtel Drouot (collection du château de Sully-Chabannes). Or la vente du mobilier du château de Sully à l’hôtel Drouot, salles 5 et 6 (Me Baudoin), le 25 février 1942, comporte bien un portrait de la famille Habert de Montmort, attribué à l’école française du XVIIe siècle, mais en hauteur, et offrant une composition différente. Par ailleurs, un document établi après l’interrogatoire de Bornheim, mentionne le nom de la marquise de Bausset-Roquefort, château de Sully (Loiret), parmi les personnes ayant vendu à Bornheim par l’intermédiaire de la firme Brosseron-Marchand ; cela concerne-t-il ce tableau ? Il semble que les marchands "achetaient aux familles aristocratiques et bourgeoises qui se trouvaient en difficultés financières" (notamment à propos du commerce de Brosseron-Marchand). ("Vente du château Sully-Chabanes à l’hôtel Drouot, Paris"). Le tableau est un cadeau du ministre du Reich Funk à Hitler, destiné au musée de Linz (n° 3350). Il est retrouvé à Munich le 14 avril 1944 et enregistré au Central Collecting Point de Munich sous le n° 4590.
Après avoir étudié la peinture à Bruxelles, Philippe de Champaigne part pour Paris. Il devient l’un des portraitistes préférés de la noblesse, comme la famille Habert de Montmort.

Description

À gauche, devant une base de colonne, se tiennent deux garçonnets, le plus grand a une canne à la main. Au centre, debout sur un fauteuil un enfant caresse sa soeur aînée, assise sur une table. Elle est la seule fille de ce portrait de groupe. Près d’elle, sur un fond de paysage, se détachent un tout jeune enfant et à côté de lui des jumeaux enlacés. Cette répartition créée une symétrie, renforcée par les tonalités, froides au centre, chaudes aux extrémités. Le jeu des regards, les gestes, les attitudes, la présence du chien et de l’oiseau permettent au peintre d’éviter la monotonie.


Mathieu Le Nain

Laon vers 1607 - Paris, 1677
Ecce Homo, vers 1648-1650
Huile sur toile, 61,4x100,4 cm
Dépôt, Paris, musée du Louvre (œuvre récupérée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, déposée le 12 décembre 1953 par le musée du Louvre. Provenance non établie. En cas de spoliation, l’œuvre sera restituée à ses légitimes propriétaires). M.N.R. 39

Ecce Homo, Mathieu le Nain

Historique

Le tableau est découvert à Londres par Georges Isarlo et acquis par Paul Cailleux (et publié en 1937 par Sterling) ; il se trouve chez Cailleux en 1937 ; il est acquis par Hildebrandt Gurlitt chez Paul Cailleux (35 000 RM) par l’intermédiaire de Hermsen le 31 mars 1944 et destiné au musée de Linz (n° 3481). Le tableau est enregistré au Central Collecting Point de Munich sous le n° 8743.

Description

Ce tableau pourrait être reconnu comme l’Ecce Homo, cité dans l’inventaire après décès de Mathieu Le Nain. La facture paraît typique à cet artiste, avec l’aspect caractéristique des chairs de l’homme au turban, formées d’une multitude de petites touches ocre et rougeâtres, mais également les amples draperies, dont les plis sont modelés avec des plages plus épaisses de couleur claire. On peut noter des couleurs vives et soutenues, notamment le rare violet argenté du manteau du Christ, et celui rouge et bleu vif du personnage de droite. Ici, le Christ n’est pas présenté à la foule, il est soumis aux spectateurs. Le style caravagesque de cette toile est avéré.


Maître des Cortèges (d’après)

Actif à Paris vers 1640-1660
Les Petits dénicheurs d’oiseaux (scène paysanne) dit aussi Les Dénicheurs d’oiseaux, XVIIe siècle
Huile sur toile, 104,6 x 121 cm.
Dépôt, Paris, musée du Louvre (œuvre récupérée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, déposée le 8 avril 1954 par le musée du Louvre. Provenance non établie. En cas de spoliation, l’œuvre sera restituée à ses légitimes propriétaires). M.N.R. 43

Les Petits dénicheurs d’oiseaux (scène paysanne) dit aussi Les Dénicheurs d’oiseaux, Maître des Cortèges

Historique

Le tableau figure dans la collection Avogli-Trotti en 1934 ; il est acheté 13 750 RM [en 1941] chez Avogli-Trotti par les Städtische Kunstsammlungen de Düsseldorf (n° 1941/25-608).
Le Maître des Cortèges est un peintre anonyme qui a gravité autour des Frères Le Nain, et dont les oeuvres ont longtemps été confondues avec les leurs.

Description

À l’extrême gauche de la toile, on peut voir une fillette occupée à coudre, près d’elle une femme, assise, regarde le spectateur en filant ; à droite, trois garçonnets, dont un tire de sa chemise, rouge vif, les oiseaux qu’il a dénichés et, derrière eux, une femme et un homme appuyés sur le dos d’un âne. La similitude dans le traitement plastique du sujet avec les oeuvres des Le Nain est flagrante : le jeu des regards, le rendu des vêtements et la gamme colorée. On recense au moins une quinzaine de versions de dimensions similaires de ce tableau, (Rotterdam, musée Boymans ou encore passés en ventes publiques), véritable best-seller de cet artiste.


Romulo Panfi

Florence 1632 - Carmignano 1690
Paysage avec des pêcheurs, XVIIe siècle
Huile sur toile, 178 x 133,2 cm
Dépôt, Paris, musée du Louvre (œuvre récupérée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, déposée en 1953 par le musée du Louvre. Provenance non établie. En cas de spoliation, l’œuvre sera restituée à ses légitimes propriétaires). M.N.R. 45

Paysage avec des pêcheurs, Romulo Panfi

Historique

Une copie d’inventaire de la Landesgalerie (fournie par l’Autriche) indique " Coll. Menchikoff ". Acheté par Welz chez Holzapfel le 13 mai 1941 ; étiquette au dos : " Galerie Welz-Salzbourg, Inv n° 235 " ; une autre : " Landesgalerie Salzbourg, inv. n° 256 ".

Description

L’oeuvre de ce peintre florentin, élève de Jacopo Vignali, est peu connue. Cet artiste travailla pour le prince Ferdinand et le cardinal Léopold de Médicis. Il était principalement connu comme peintre de batailles et de paysages, dans lesquels il retient l’aspect idéaliste et sauvage de la nature. Cette imposante composition est animée de personnages, pécheurs, chien, cavalier… toutefois on remarque en priorité, ce monumental arbre, au tronc tourmenté, avant de distinguer l’extrémité déchiquetée des branches. Malgré l’aspect bucolique de cette scène, il s’en dégage un côté inquiétant, un peu fantastique, renforcé par les couleurs de la végétation, du ciel et de la montagne.


Anne Vallayer-Coster

Paris, 1744 - 1818
Nature morte au lièvre, dit aussi Nature morte : lièvre, perdrix et jambon, 1769
Huile sur toile, 101,6 x 81 cm
Dépôt, Paris, musée du Louvre (œuvre récupérée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, déposée le 4 mars 1953 par le musée du Louvre. Provenance non établie. En cas de spoliation, l’œuvre sera restituée à ses légitimes propriétaires). M.N.R. 120

Nature morte au lièvre, dit aussi Nature morte : lièvre, perdrix et jambon, Anne Vallayer-Coster

Historique

Le tableau se trouvait encore en la possession de l’artiste en 1781 (Roland Michel, 1970). Il est acheté 45 000 F chez Alice Manteau, à Paris, pour les "Kunstsammlungen der Stadt" de Düsseldorf (n° 1941/42-783).

Description

Anne Vallayer-Coster est admise en 1770 à l’Académie royale de peinture et de sculpture, honneur rare pour une femme à cette époque.
Héritière de la tradition des peintres de nature morte français, elle emploie souvent un fond neutre, et une touche délicate et nerveuse, qui font d’elle l’un des artistes de genre les plus attachants de XVIIIe siècle.
Comme chez son maître, Jean Siméon Chardin, la composition est simple, solide, construite (de façon pyramidale) : au premier plan des objets sur la table, le gibier mort au centre de la toile. Chacune des matières représentées, (cuivre, bois, verre, corde, métal, poils, plumes,…) est peinte avec une extrême précision s’approchant au plus près de la réalité dont elle s’inspire. Ce tableau est un enchantement pour les yeux et pour les sens.


Jan Van Rossum

Actif à Vianen de 1654 à 1673
Portrait de jeune fille, XVIIe siècle
Huile sur bois, 54,2 x 46,5 cm
Dépôt, Paris, musée du Louvre (œuvre récupérée à la fin de la Seconde Guerre mondiale, déposée le 3 juin 1953 par le musée du Louvre. Provenance non établie. En cas de spoliation, l’œuvre sera restituée à ses légitimes propriétaires). M.N.R. 415

Portrait de jeune fille, Jan Van Rossem

Historique

Le tableau est acheté le 15 juillet 1942 chez Staigri (?), Paris, par Maria Dietrich qui le revend 10 000 RM en août 1942 au musée de Linz (n° 2734). Il est enregistré au Central Collecting Point de Munich sous le n° 2802. Nous possédons peu de renseignement sur cet artiste, connu, surtout pour ces portraits. Le XVIIe siècle est la riche période du portrait des Anciens Pays-Bas du Nord. Dans cet art, la pose la plus esthétique et la plus vivante est celle du trois-quarts.

Description

Cette jeune inconnue, au visage de porcelaine, est assise près d’une fontaine. Elle recueille l’eau dans une coquille, allusion à la nature simple et innocente de l’enfance. Elle porte d’élégants vêtements, assortis à son chapeau aux larges plumes blanches et teintées. À son cou et à ses oreilles, des perles aux reflets de nacres, symboles de la féminité lui donnent un aspect presque adulte. La palette est toute en harmonie, en douceur. On remarque le beau travail de nuances sur les étoffes soyeuses.